LES BESOINS EN OPHTALMOLOGISTES D'ICI 2030
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estimant qu’ils résumaient l’essentiel de l’activité. Nous avons développé, analysé et critiqué la
méthodologie utilisée dans le rapport 2006 sur la filière visuelle
1
. Les prévisions se sont révélées en
très net décalage avec la réalité. Ainsi le rapport du Cregas ne retenait qu’une augmentation de 20 %
des consultations et des K entre 2000 et 2020. Or, le chiffre réel pour 2004 (date de sortie du rapport)
correspondait déjà aux prévisions de 2014 ! L’estimation haute pour 2020 (27,8 M d’actes) a été
dépassée en 2007 ! La faillite de cette modélisation est évidente, bien que portée par un économiste
de santé bien connu.
En fait,
nous ne connaissons
pas précisément aujourd’hui
la prévalence exacte des principales
pathologies
, aussi les prévisions par pathologie peuvent être entachées d’erreurs. Il faut donc rester
prudent d’autant que
les différentes pathologies présentées
(amétropies, cataractes, DMLA,
glaucomes, diabète) augmentent toutes fortement après cinquante ans et
sont très souvent
intriquées
. Il n’est pas rare par exemple de rencontrer des patients présentant l’ensemble des cinq
pathologies ci-dessus. La somme des recours aux différentes pathologies a par conséquent une
justification statistique limitée. Non seulement, on sous-estime fréquemment l’évolution de la
prévalence réelle de nombreuses pathologies dans le temps (laquelle dépend aussi de l’évolution des
moyens de diagnostic), mais
il est difficile de prévoir la variation des moyens mis en œuvre pour
suivre une pathologie donnée
. Un exemple particulièrement démonstratif est donné actuellement par
la prise en charge des DMLA néovasculaires. Là où un examen annuel était suffisant il y a dix ans, il faut
parfois revoir aujourd’hui le patient une dizaine de fois dans l’année. Les progrès de la médecine
permettent souvent de transformer des affections aiguës ou sans solution, en pathologies chroniques
nécessitant un suivi au long court. A l’inverse, une intervention ponctuelle très efficace, comme la
cataracte, verra souvent ses indications s’élargir. Un autre élément essentiel est celui de
l’accroissement dans le temps des besoins de santé à âge égal. Cet effet « générationnel » est bien
connu des statisticiens de l’Assurance-Maladie : à pathologies et âges égaux, le coût augmente dans le
temps. Enfin, l’arrivée du « Papy Boom » risque de « booster » les pathologies oculaires liées à l’âge.
Plus modestement, nous avions proposé en 2006 de ne se baser que sur l’évolution globale passée de
l’activité et de la projeter séparément pour les consultations et les actes techniques dans le temps. Il
s’est produit toutefois un biais avec l’apparition de la CCAM technique et la non réalisation de la CCAM
clinique. La progression annuelle de 1 % proposée des consultations (soit 20 % en 20 ans) n’a pas eu
lieu (au contraire, il y a eu une baisse de 11 % entre 2004 et 2009) et les actes techniques ont
progressé de 60% en cinq ans au lieu des 25% prévus initialement. Il y a eu un transfert de l’activité des
consultations vers les actes techniques qui trouve sa double justification par l’évolution des techniques
(par ex. diffusion des OCT et des rétinographes) et l’absence de CCAM clinique. Globalement, notre
modèle n’est cependant pas déficient, puisqu’il prévoyait 30,015 M d’actes en 2009, soit un chiffre
situé entre les valeurs réelles données par le SNIIRAM pour 2008 (29,8 M) et 2009 (31,5 M).Tout ceci
montre la nécessité de revoir régulièrement les hypothèses et les méthodes de calcul en confrontant
les prévisions à la réalité, par exemple tous les cinq ans.