Le site des ophtalmologistes de France
Des Raisons d’espérer ?
Au cours des derniers mois, plusieurs mesures ont concerné notre profession, mesures qui pouvaient donner l’impression d’un petit air d’optimisme. Malgré tout, il faut les étudier avec un œil critique.
Avant d’aborder ces sujets, nous ne pouvions passer sous silence la tragédie meurtrière qui a frappé la France en ces premiers jours de Janvier, période où traditionnellement s’échangent des vœux de joie et de santé. Le monde médical, très attaché à et soucieux de conserver cette liberté ici bafouée, s’est joint à la réprobation unanime de tous les français.
La communauté médicale avait elle même - sans commune mesure, bien sûr avec ce qui précède - vécu une fin d’année mouvementée, dans son opposition franche au Projet de Loi Santé proposé par la Ministre M. Touraine, avec surtout le point qui concentre tout le rejet : le Tiers Payant Généralisé. Les différentes formes de protestation se sont succédées, de la grève à l’arrêt de la télétransmission des feuilles de soins. Sans véritable résultat probant de la part du Ministère, en dehors de la création de groupes de travail, destinés à faire « passer le temps » avant l’étude du projet par nos élus, prévue mi-mars. Même le Président de la République a souhaité « un mécanisme simple » pour ce TPG, sans pour autant faire disparaître cette promesse électoraliste qui plaît tant aux français.
Le second Projet de Loi intitulé « pour la croissance et l’activité » du Ministre des Finances E. Macron est, en ce début 2015, à l’étude par une commission spéciale, puis par l’Assemblée : ce projet avait attiré l’attention des ophtalmologistes, du fait de l’introduction surprise d’un article concernant la création de la profession d’optométriste, article soutenu par son rapporteur actuel le député R. Ferrand. Cet article a été retiré, mais l’attention du SNOF reste en éveil pour éviter sa réapparition à un quelconque moment du parcours législatif de ce texte.
Sur le même sujet, les ophtalmologistes ont été sidérés d’apprendre récemment, par la voix de la directrice générale de Santéclair, la dénonciation de notre « puissant lobbying » contre l’optométrie. Cette personne n’a, semble t il, pas bien compris le sens dans lequel s’exerce ce lobbying, lorsque l’on voit la ténacité des optométristes à placer régulièrement des Questions à l’Assemblée Nationale par l’intermédiaire d’élus naïfs, les déclarations péremptoires lors de leur récent congrès national ou la sortie de leur BD… L’action que nous menons, Ophtalmologistes, se situe au niveau de la défense de la Santé Publique, l’accès à des soins médicaux de qualité, et la réponse à la légitime revendication des patients à avoir accès à un ophtalmologiste.
En ce qui concerne les points positifs, le Ministère de la Santé, en reprenant en main - comme le souhaitait le Syndicat des Ophtalmologistes - le dossier de la filière visuelle, a également repoussé la création de cette nouvelle profession, et la Ministre s’est elle même exprimée à plusieurs reprises sur ce sujet. Dans le même temps, elle reconnaissait ouvertement la valeur du travail effectué par notre ancien Président, J. B. Rottier dans le cadre des protocoles de coopération entre ophtalmologistes et orthoptistes présentés à l’ARS du Pays de Loire. L’intérêt de ces protocoles et le gain qu’ils procurent sur certains délais ont été effectivement reconnus à juste titre et largement repris dans les médias, toujours friands de telles annonces. Le financement de ces protocoles dérogatoires a d’ailleurs été acté par décret début janvier pour une période de 2 ans et une demande de généralisation sur tout le territoire français est souhaitée.
Plus tôt, l’Académie Française d’Ophtalmologie et le SNOF avaient conjointement exprimé, au cours d’une conférence de presse le 12 décembre dernier, leur constat sur l’état de la filière visuelle et la répercussion au niveau de la population (Enquête IFOP). Sur le plan démographie, une petite pointe d’optimisme avait été constaté par rapport aux chiffres alarmistes d’il y a 5 ans : c’est la résultante de l’augmentation du nombre d’internes dans la spécialité (en progression, mais encore insuffisante) ; de l’apport efficace de médecins d’origine étrangère et surtout de la poursuite d’activité des confrères abordant l’âge de la retraite. Le résultat de l’enquête sur les Français et leur Santé visuelle confirmait également la confiance que les patients continuent à porter à leur ophtalmologiste, tout en acceptant d’être examinés par ses collaborateurs, avant de le rencontrer.
Le SNOF, constatant sur les pyramides des âges transmis par la CARMF, le nombre majeur de praticiens ayant dépassé l’âge de 50 ans et le désir de ceux ci de poursuivre leur activité en « emploi-retraite », au delà de 65 ans, a décidé de s’intéresser plus particulièrement à eux : commission spécifique au sein du Conseil d’Administration ; dossiers sur ce thème dans les ROF à venir ; journée du SNOF qui leur est consacrée en septembre prochain. Il est à noter qu’à l’autre bout de la pyramide des âges, le SNOF s’intéresse également à nos jeunes confrères en les aidant au mieux à prendre notre relève.
Retenons également parmi les sujets où l’ophtalmologie se singularise : la touche finale apportée par le décret de décembre sur la transmission du NIR entre l’orthoptiste et l’ophtalmologiste-lecteur dans le cadre du dépistage de la rétinopathie diabétique. Avec le décret du 8 février 2014, ce nouvel acquis permet de concrétiser pour l’ophtalmologie le premier acte de « télémédecine », reconnu au niveau national. Pour autant, il faut attendre avec prudence la mise en application pratique de ce dépistage, qui au vu des premières constatations, ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.
Toutes ces avancées au niveau de notre spécialité ne doivent pas faire oublier toutes les tracasseries administratives et réglementaires qui nous sont imposées tout au long de l’année : loi accessibilité ; nouvelles démarches et couverture sociale de nos collaborateurs ; nouvelles conditions concernant le DPC ; obligation de télé déclaration et télé paiement aux organismes de tutelle… Retenons cependant ces quelques raisons d’espérer, et conservons la vigilance qui s’impose à tout instant.
Tous les sujets que nous venons de survoler ici sont détaillés dans la revue n° 196 : bonne lecture.
Bertrand Arnoux- Rédacteur en chef de la Revue de l'Ophtalmologie Française
13 février 2015